Dan Hon : ce qu’il ne faut plus faire dans un ARG

On observe en général que les groupes de joueurs d’un ARG sont composés d’ultra-fan (de l’univers développé ou de la franchise du film, jeu-vidéo, série) et de membres de la communauté mondiale des joueurs d’ARG. Cette dernière est hebergée sur Unfiction.com principalement. On y retrouve principalement des « geek Internet ». C’est à dire des personnes qui sont geek dans le sens le plus répendu, celui de fan d’imaginaire (comics, heroic fantaisy, la science-fiction, de jeux-vidéos) mais qui cumulent aussi d’autres talents. Ils possèdent des savoirs-faire sur le web (développement, sécurité informatique, piratage). C’est ce qui les a amené aux ARG. Ils adorent enquêter, fouiller, se creuser les méninges très très fort mais surtout quand cela necessite de tripatouiller des ordinateurs et des sites web. Ils sont devenus fan d’ARG.

On peut donc dire que les ARG sont concus pour des geeks Internet et qu’ils sont ainsi très difficilement accessibles aux reste du public geek.  Ils ne peuvent pas être grand public. Pourtant vous me direz que les geek jouent aux jeux vidéos et que l’on considère aujourd’hui que les jeux vidéos sont grand public. Leurs revenus dépassent ceux du cinéma. Pourquoi alors les ARG ne sont-ils pas plus développés ?

La réponse est que les « geeks Internet » sont différents des « geeks jeux-vidéos ». Ces derniers consacrent une grande partie de leur temps de loisirs à des produits qui sont très accessibles. L’ergonomie des jeux vidéos est en effet très poussée, avec un souci important de l’expérience utilisateur. La plupart des actions d’un jeu vidéo amène à une récompense. L’histoire est très sophistiquée. En gros, ils sont faits pour divertir. Le souci principal d’un game designer est d’apporter du fun aux joueurs.

La présentation de Dan Hon aux TEDx transmedia qui s’est tenu à Genève en Septembre dernier répond à cette problématique

Dan Hon aborde le sujet des projets transmédia par ce qu’il connait de mieux, les ARG. En 2001, il était un élève en droit de la faculté de Cambridge. Selon lui, Dan était un Internet Geek très procrastinateur. Alors quand il voit un crédit étrange dans le teaser du film AI : « Jeanine Salla, Sentient Machine Therapist », il ne peut s’empêcher de taper son nom sur Google. Cela l’amène à découvrir que cette dernière a perdu un ami cher, Evan Chan. Ceci constituait le Rabbit Hole du premier ARG, The Beast créé pour la sortie du film de Steven Spieberg, co-écrit par Stanley Kubrick. Seulement en 2001, Internet n’était pas celui d’aujourd’hui : pas de Facebook, ni de Wikipedia, Flickr, Youtube. Les joueurs utilisaient donc des mailing lists et une chat room (IRC) pour découvrir comment ils pouvaient aider Jeanine. 10 ans plus tard, la chat room dans laquelle Dan a rencontré sa femme est toujours active.

Cet ARG fut un succès auprès des fans du film. Le monde de la communication et du marketing a été subjugué. Les fansboys et les créateurs du monde entier en ont entendu parlé. Un modèle était né ! Ce que l’on appelle aujourd’hui ARG correspond très largement au modèle The Beast. Hors Dan Hon nous avertit que The Beast est un « anti-pattern » (un mauvais modèle). De mauvaises leçons ont été retenues. La cible du jeu était le public du film : les geeks et plus particulièrement les « Internet Geeks ».

Il enchaine sur la vague Gamification. Il nous demande si jouer plus est bon. La gamification correspond-t-elle à une victoire des « game nerds » (passionnés de jeux) ? Est-il bon de voir que les gens du marketing ne s’interessent uniquement aux mécaniques des jeux (il le livre « 50 SCVNGR Game Mechanics Rules). En anglais, il y a une différence entre Play et Game. Les Game sont des jeux. Un jeu est un système dans lequel des joueurs s’engagent dans un conflit artificiel, définit par des régles qui conduit à des résultats quantifiables. (Salen, Zimmerman). Play correspond plus au fait de s’amuser. Exemple de Lego : un bac avec des milliers de pièces. Pas de buts, pas de règles, pas de missions. Ce sont les enfants qui se font leur propore histoire en laissant leur imagination aller. En gros, on leur donne les outils necessaire pour qu’ils s’amusent. Aujourd’hui, avec la Gamification, on met un petit petit peu de Game dans une activité de la vie quotidienne afin de la rendre plus ludique. Le but étant de rendre les gens addicts afin de les faire revenir vers un site ou un produit.

Il voit donc un parrallèle entre les ARG et le phénomène de la Gamification. Les deux sont des grands succès qui ont révolutionné le marketing. Mais les deux ont été victimes d’une certaine paresse dans la créativité. Plus justemement, ceux qui ont cru et investit dans des ARG ou des jeux sociaux on choisit de reproduire ce qui avait été fait auparavant dans le but de minimiser les risques et de profiter de leur succès. Mais cela ne cache-t-il pas un manque de convictions dans le jeu ? Des modèles ont été définit de leur premiers succès (Farmville et Foursquare pour la Gamification et The Beast et I love Bees pour les ARG). Cela ne reflète-t-il pas aussi une certaine paresse des créateurs ?

Dare to Play

Dan Hon finit donc par lister une série d’éléments qu’il ne veut plus voir, en tant que joueur et créateur de jeux, dans  des ARG ou des projets transmédia. Car leur utilisation ne ferait de nous que des storytellers paresseux. Ne les utilisons pas juste car ils sont faciles d’accès et car ils existent déjà.

chercher des infos dans le code source d’une page web : c’est sans doute l’élément le plus utilisé dans un ARG.

décoder, décrypter, stéganographie : comme Dan le dit ; il y a des gens dont c’est le métier, est-ce vraiment agréable ?

avoir recours à des connaissances ésotériques : l’initiation qu’elles requiert est très chronophage et limite évidemment l’accessibilité du jeu.

résoudre des énigmes : dans les ARG on a souvent confondu épreuve/mission avec le mot énigme. Les ARG ne sont pas des jeu de piste. Une ca va, plus bonjour les dégats.

ne pas dire au joueur ce qu’il doit faire : parceque les ARG sont des expériences dont les spectateurs sont les portagonistes principaux alors il ne faudrait pas leur donner d’instruction ? cela les empecherait-ils de croire qu’ils font l’histoire ?

« ceci n’est pas un jeu » : la fameuse expression traduite de l’anglais « this is not a game » (TINAG). Plusieurs livres sur les ARG en portent le nom. Si les ARG brouillent les pistes entre fiction et réalité, pourquoi mentir au joueur et lui affirmer que ce jeu n’est pas un jeu. Le plaisir de « faire comme si c’était vrai » tout en sachant que l’on joue à un jeu n’est pas assez fort pour engagner les joueurs ?

aider une jolie adolescente, une jolie blonde en danger : cette une paresse scénaristique très tentante est très récurrente dans les ARG. Pourquoi ? Tout geek rêverait pouvoir un jour aider une superbe jeune fille grâce à ses pouvoirs de geek. Problème : tout le monde n’a pas de super pouvoirs de geek. # »call to action » paresseux

des groupuscules secrets, des ordres : afin de créer de l’engagement dans un groupe, on lui trouve un ennemi commun. Quand cet ennemi est organisé en groupe, les régles deviennent évidemment simples : le faire tomber. Encore ici une paresse scénaristique. # »call to action » paresseux

chasses au trésor : OK les geek adorent chasser les trésors, d’ailleurs tout le monde aime ça. Tout le monde aime chasser. Seulement, c’est là encore un « call to action » paresseux. Souvent la seule promesse réside dans la forme.

des milliers d’articles de blogs à lire, des centaines de statuts Twitter et Facebook : je suis personnellement très d’accord pour celui-là. Les blogs et leurs articles sont très peu couteux et facilement modifiables, d’accord. Mais vraiment, devoir lire pendant 30 minutes les nouveaux éléments de l’histoire découverts par le groupe de joueurs et ceux mis en ligne par les narrateurs avant de commencer à vraiment jouer, c’est très lourd ! Si la vidéo et l’animation sont de  très bonne alternatives, pensez à créer des formats qui viennent du média, déterminez quels contenus les gens consomment et proposez leur des creéations originales.

la seule excitation du jeu réside dans le média : qui aime assez les sites web pour aimer passer des heures à fouiller les architectures, chercher des fichiers cachés ? les geeks web