Ce que j’ai retenu de Power to the Pixel 2010

Cette édition de Power To The Pixel était ma deuxième. Les conférences et les pitchs furent comme l’année passée très riches d’enseignements. J’ai aussi eu l’occasion d’interviewer des gens de renom (merci Zoe et Liz). Mais avant de vous leur retranscrire, voici ce que j’ai retenu de la première journée, les conférences.

Michel Reilhac est le directeur du cinéma chez Arte. Sa présentation sur la « Gamification of Life » en a donc surpris plus d’un. Il me confait qu’il a eu l’occasion cette année de rencontrer de grands game-designers. Ce sont ces rencontres qui lui ont permis de décrire un futur dans lequel le jeu changera le monde. Je vous suggère d’aller regarder cette vidéo ainsi que le transcript de la présention sur le blog de Michel ici et ici.

C’est Michel Reihac qui est monté le premier sur la scène en cette journée d’Octobre. Faire concurrence à la digestion des patisseries et du thé et aux heures d’Eurostar n’est pas chose facile. On peut évaluer son succès au nombre de personnes éveillées à la fin de sa présentation sur la « Gamification de la Vie ». Toute la salle a applaudit un sujet particulièrement pertinent. En effet, on en vient très facilement à parler d’ARG quand on parle de transmédia. On parle aussi très facilement de mécaniques, de badges… Les intervenants allaient tous parler de jeu sans vraiment en expliquer les raisons.  La raison est évidente. Les humains ont toujours aimé jouer. C’est notre culture qui affirme qu’un adulte ne joue pas, il travaille pour gagner de l’argent. Et si nous pouvions gagner de l’argent en jouant ? Et si nous étions aussi excité que des enfants à l’idée de jouer, cela poserait-il un problème ? Le transmédia ne sera pas le seul à utliser les mécaniques ludiques. Jouer est ce qui provoque le plus d’attention, d’affection, de proximité, d’excitation…  d’émotions. Internet l’a compris aussi. Dans cette mer obscure aux milliards de destinations, c’est le jeu qui est le plus utilisé pour engager.

Mike Monello est une des figures du transmédia. Avant de créer Campfire, responsable notemment de la brillante campagne buzz pour True Blood cette année, il fut un des créateurs du Projet Blairwitch qui a changé le marketing digital du cinéma.

Pour Mike, le transmedia va devenir mainstream car il suit le processus de la vraie vie (il accompagne le public dans son parcours média quotidien). Un de ses conseils fut de penser les expériences transmédia et les ARG comme des « communales  experiences ». C’est à dire que regarder d’autres joueurs jouer, participer et se dépasser peut toujours apporter une expérience positive. On pense ici aux ARG dans lesquels une poignée de joueurs réalisent ce qu’une communauté entière désire : faire partie de la fiction, prendre part à l’action. Il cite l’exemple de Youtube dont les vidéos les plus populaires illustrent des inconnus réalisant les actes les plus fous. Ensuite, « Make it tangible » : envoyer de vrais objets à certains joueurs, faire gagner des lots, donner des goodies. Cela rend le message beaucoup plus facile à partager à ses amis et cela permet à la fiction d’exister hors de la tête du spectateur. Il cite ici l’exemple des canettes de « True Blood » vendues dans le commerce aux Etats-Unis. « Un univers riche et ludique laisse les gens plus de libertés pour se recréer leur propre histoire ».

Les régles exposées par Mike Monello ne sont pas étrangères aux amateurs de divertissement type ARG. Au contraire, je me rappelle avoir déjà critiqué des régles (laisser une élite s’éclater ? Envoyer des colis à des bloggeurs ?). Plutôt, j’affirmais qu’elles ne sont pas les ingrédient du succès d’une expérience transmédia. L’intervention d’un créateur aussi brillant m’a permis de me rappeller que j’avais tort et raison. Il m’a permis d’avouer que ce qui manque à la plupart des ARG sont de bonnes histoires, des émotions et de l’originalité. Avec une bonne histoire, tout est possible.

Jean-Paul Edwards est futurologue chez Manning Gottlieb OMD. Il commenca sa présentation en affirmant qu’il n’y avait aucune raison pour que les progrès technologiques liés à Internet dont résulte les bouleversements des usages ralentissent d’ici une dizaine d’année. Les mutations apportées par les smartphones, les tablettes et les réseaux sociaux ne sont pas finies.

Il nous dit que nous n’avons jamais laissé les médias et les contenus envahir autant notre intimité. Par exemple, 10% des britanniques trouvent normal d’envoyer des SMS au lit. L’utilisateur moyen de Facebook « aime » 9 pages et laisse 20 commentaires par mois. Les problématiques liées à la vie privée vont définir notre futur et nous ne sommes donc pas capables à ce jour de prévoir le futur de l’industrie créative. Par exemple, si les consommateurs acceptent d’être localisés en temps réel, alors les marques pourront délivrer des contenus très contextualisés. Tout va devenir « connecté » et le transmédia dépassera le champ des possibles d’aujourd’hui. Si la convergence est très attendue des proffessionels du transmédia, il peut être pertinent de se demander jusqu’où elle ira. Cela influencera notre capacité à connecter des individus à des idées, des contenus qui veulent vraiment dire quelquechose pour eux.

Je défends le transmédia pour la raison simple que c’est la forme de storytelling du futur. Quand la convergence des médias était un sujet de science-fiction il y a encore 5 ans, avec les médias connectés, nous savons que cela va changer. La majorité des outils qui nous permettent de consommer des médias disponibles en magasin sont déjà « convergence enabled ». D’ici 10 ans, tous les foyers se seront rééquipé en télévisions, téléphones portables et ordinateurs et consoles de jeu. En 2020, le public de Power to the Pixel 2010 sera prêt à faire face à la Convergence Culture.

Wendy Bernfeld est la fondatrice de Right Stuff, une agence d’étude sur les médias. Son analyse de la distribution sur Internet fut très captivante. Elle commenca par statuer que les contenus faits pour le web ne doivent pas constituer des « bonus ». La chronologie des médias à été chamboulée. Les périodes d’exploitation ont eclaté et cela constitue une véritable opportunité pour les producteurs web. Par exemple, le film « Mémoire d’une Geisha » a été distribué sur mobile avant les salles de cinéma en Italie et cela a participé au succès du film. Aussi, elle nous apprend que 40% des contenus web sont consommés sur une télévision (par un cable, clé USB branchée, gravé en DVD). Elle qualifie ce comportement « sling catchers » car la télé et le web sont reliés par un câble (sling). Elle défend aussi que le web et les nouveaux médias ne doivent pas être exclusifs, à l’image du geoblocking. Les producteurs doivent chercher les plateformes dont la thématique se rapproche du sujet ou bien sont très fréquentées par les personnes qui cherchent à consommer de la vidéo. Elle cite le problème des multi-licences. Les gros sites exigent de l’exclusivité. Elle conseille alors de chercher des lieux de diffusion connectés à Internet mais qui n’y paraissent pas (bornes interactives, services vidéos dans les transports, films offerts dans les lecteurs mobiles, lieux de marque, grands magasins). Les diffuseurs web ne se sentant ainsi pas concurencé.

Wendy m’a confirmé que les acteurs du web, distributeurs en particulier, ne sont pas si différents des acteurs des médias traditionnels. Les rapports de force y existent. Les contenus qui font succès sur Internet sont ceux qui fonctionnent sur les média offline. Outre un souci évident de moyens (et de qualité) les ayants droit ont peur d’innover. Un peu comme s’ils avaient peur que le consommateur ne veuille plus jamais leur donner leur argent. Chacun cherche à rentabiliser sur le court terme plutôt que de défendre une vision d’avenir. Un spectateur actif, qui participe, qui choisit est donc un consommateur libre… personne n’aime la concurrence !

Maureen McHugh est auteur et associée chez No Mimes Media. Elle nous a donné une vision d’artiste et donc peu répandue du transmédia. Pour elle, le transmédia est une forme d’art à part entière. Mais une forme naïve car il s’inspire d’autres formes artistiques. Il n’a pas de codes de lecture, pas de normes pour l’instant. L’industrie a besoin de définir des conventions qui vont de soi. Elle parle donc d’une courbe d’apprentissage sur laquelle nous en sommes qu’au début. Pour elle, ce que veut le public c’est toucher l’histoire et observer les reflets. Maintenant, la jeune génération s’attend à toucher, tordre ou remodeler les choses. Elle nous a expliqué pourquoi les scénaristes de cinéma ou de séries télé ne savent écrire des dialogues engageants que d’une manière très formelle, très structurée qui ne peut être efficace sur des petits formats. Elle nous explique que les conventions d’un film font que l’on sait déjà à quoi s’attendre. Quand le film commence, le public sait déjà ce qui va se passer à la moitié. Pour elle, il est très important que le public ai ce même genre de sensations. C’est le seul moyen de créer de la fidélité dans une narration délinéarisée. Les medias qui transmettent le mieux votre histoire sont ceux que votre public utilise déjà. Ainsi, il y a une nouvelle façon d’écrire à inventer. Des formes plus conscices. Nos expériences transmédia doivent pouvoir être résumées en quelques phrases comme les pitch des formes traditionnelles.

Maureen a défendu que les créateurs d’oeuvres transmédia sont des précurseurs et non des fous ! Tout comme le cinéma a révolutionné le storytelling de la photographie. Tout comme la télévision bouleversa les auteurs de cinéma. Le web et le transmédia posent un problème de taille aux auteurs. Comment transmettre une histoire dans un contexte déstructuré ? Comment donner des émotions à des spectateurs peu attentifs ? Comment faire qu’une histoire puisse être partagée immédiatement ? J’aime à oberserver les codes des séries télé : génériques de fin accélérés pour ne pas perdre l’audience avant la coupure, réacap en début d’épisode afin que les spectateurs qui ont manqué (ou oublié) le dernier épisode puissent avoir une expérience satisfaisante, dialogues dans lesquels les pistes sont évoquées afin que le spectateur puissent comprendre la psychologie du personnage. (Vous vous rappelez de cette scène du facteur qui smeble inutile jusqu’à ce que l’on comprenne que la lettre annonçait le retour de John ?) Il est sûr que le transmédia se cherche. Il veut devenir mainstream. Il veut plaire au plus grand nombre. Alors cette nouvelle forme d’art va-t-elle réduire la créativité des auteurs ou les stimuler ?

Retrouvez plus d’infos sur Power to the Pixel et le transmédia sur The Pixel Report. Vous pouvez aussi lire le résumé de la journée de conférence sur le blog Power to the Pixel.