C’est quoi une équipe transmédia ?

Ce soir, le Social Media Club organise une conférence sur le Storytelling Digital. J’y interviendrai pour parler des nouveaux métiers liés au transmédia et plus spécifiquement aux ARG. Si vous le pouvez, rendez-vous à 19 heures à La Cantine. Plus de de détails sur le blog du SMC.
L’occasion pour moi de vous parler des nouveaux métiers liés à l’écriture et la production transmédia.
Ayant eu la chance de le rencontrer à Power To The Pixel, j’ai pu demander à Lance Weiler en quoi consistait le rôle du Story Architect.

 

 

 

Story Architect
« Comment peut-on isoler des éléments du récit et des éléments créatifs (qui vont faire partie du récit) puis trouver les moyens de les transmettre en créant de l’émotion ? »
Story Architect est définitivement un métier du futur. Le salut du transmédia passe par la formation de personnes qui, comme Lance Weiler, sont à la fois auteur – réalisateur – producteur – chef de projet – designer d’architectures web – expert des médias sociaux – spécialiste des nouveaux moyens de distribution – acteur – animateur de communautés. Ainsi, le concept narratif sera nativement transmédia et incarné par une personne capable de porter la même vision tout au long du projet comme dans les productions plus traditionnelles.
Tout cela dans le but de créer du contenu qui reflète ce que le public fait et adapté à ce qu’il consomme. Bâtir une histoire pour qu’elle emmène son public dans une expérience sociale collective.

 

Le problème ici est évident : les profils comme celui de Lance Weiler sont peu nombreux. Aujourd’hui, cette responsabilité de cohérence repose sur plusieurs membres d’une équipe. Pour vous donner un aperçu de ce à quoi cette dream team pourrait ressembler, je m’appuierai sur l’exemple des ARG. Et plus particulièrement ceux qui proposent une expérience étendue (extended experience), à savoir qu’ils prolongent ou approfondissent un univers narratif déjà connu du public. Dans le cas de l’ARG « Why So Serious? » pour la sortie du film « The Dark Knight », l’équipe en charge de l’ARG disposait d’un univers très riche, exploité auparavant sur plusieurs médias avec une communauté de fans (fan base) très importante (la « marque » Batman est installée depuis 70 ans).
Toujours à Power To The Pixel, j’ai discuté avec Steve Peters et Maureen McHugh, respectivement experience designer et lead author de l’ARG « Why So Serious? » et co-fondateurs de No Mimes Media. Les descriptions ci-dessous s’inspirent donc de leur témoignages.
Experience Designer : un « super chef de projet » transmédia #histoire #temps #medias
« L’experience designer prend en compte l’ensemble de l’histoire que l’on veut raconter, et détermine comment chaque partie doit être agencée et délivrée, de telle sorte que l’expérience du joueur soit satisfaisante. » Il doit pouvoir se représenter toute l’expérience de l’ARG et imaginer toutes les interactions entre l’histoire et les joueurs. A l’instar des web designers qui travaillent sur la conception d’un site, Steve Peters s’attache à organiser la navigation des joueurs dans un univers composé de blogs, sites web, pages Facebook, forums, événements « real life », mails, et autres SMS, qui constituent l’ARG.
Lead Author : assurer la cohérence entre l’univers narratif originel et l’ARG.
L’auteur d’ARG travaille en étroite collaboration avec les auteurs du film/de la série/du jeu vidéo dont on souhaite prolonger l’expérience. Ensemble, ils identifient les intrigues, lieux, personnages à étendre. C’est l’auteur qui est le garant de la cohérence de l’expérience avec l’univers narratif (respect de la bible), et qui se charge de formaliser le scénario de l’ARG.
Contrairement à des productions plus traditionnelles, l’auteur d’ARG est associé à la phase d’écriture tout au long de l’expérience. L’auteur doit faire partie intégrante de l’équipe opérationnelle, car il/elle est souvent impliqué dans l’animation des sites web ou de personnages fictifs ayant une présence en ligne. Constamment à l’écoute des retours des joueurs, il doit savoir se montrer réactif pour adapter certains points de l’histoire à la manière dont le jeu se développe en ligne, quasiment en temps réel.
Web Architecture Designer
Le transmédia et toutes les nouvelles formes de storytelling digital impliquent une brique technologique importante. Internet est le lieu qui va centraliser toutes les données récoltées pendant l’expérience. Quand la résolution d’une énigme débloque un site web ou une vidéo, ou lorsqu’un mail envoyé à un personnage implique une réponse (automatique) de sa part, on parle de récolte de données (data mining), de web sémantique, d’organisation de l’information. Les mécaniques interactives impliquent donc le design d’une véritable architecture Web sur mesure.
Le Web Architect met en oeuvre le « chemin utilisateur » conçu par l’experience designer. Mais on devine que pendant la phase d’écriture, l’apport du Web Architect est crucial, car le transmédia doit nous offrir des expériences inédites, disruptives. Pour nous surprendre, l’utilisation de nouvelles technologies ou de nouveaux services Web (en phase avec l’univers narratif) s’impose.
LES Community Managers :
Ils font vivre la fiction, ils sont la voix du projet. Ils incarnent les personnages, tiennent des blogs, font remonter des idées de contenus, modèrent les forums et écoutent ce qui se dit sur le web. Ils ont la difficile responsabilité de donner vie à la fiction (être réactifs), de savoir agir en respectant la bible tout en laissant place à la créativité et la culture que peuvent développer les communautés.
Dans un projet transmédia, c’est l’expérience qui fait l’histoire et non l’inverse comme dans un récit traditionnel. Les interventions des Community Managers constituent donc une partie importante de l’expérience, durant laquelle ils travaillent étroitement avec l’auteur et l’équipe créative.
Chargé de Communication Web
La mission des chargés de com est de recruter de nouveaux joueurs. On qualifie souvent à tort dans la blogosphère les Community Managers comme des personnes en charge d’informer les influenceurs du lancement/déroulement d’une opération. Le transmédia étant nativement inscrit sur le web, il est tout à fait normal que ce soient les médias du Net qui portent le message en premier et redirigent leurs audiences vers l’histoire. A ces fins, il se charge aussi des partenariats avec des médias d’influence (blogs et portails thématiques), en adéquation avec la cible que l’ARG souhaite toucher.
Un petit mot sur la production transmédia
Les producteurs transmédia doivent avoir un fort attrait pour les médias sociaux, conscients des nouveaux relais de croissance sur le web et de la notion de gratuité/premium qui y règne, des nouveaux modes de distribution.
Le producteur transmédia collabore avec plusieurs diffuseurs : diffuseurs vidéo sur le web, diffuseurs mobiles, cinéma, télévision, fabricants de consoles… Quand la plupart des ARG ou des expériences transmédia restent pour l’instant financés par des budgets marketing, on constate que cette charge est progressivement intégrée à la production de l’oeuvre originale. Pour les marques, le transmédia peut servir à associer des services à leur message (contenus éducatifs, mise en relation des utilisateurs, centre d’aide, sensibilisation à l’univers de la marque). En prenant soin, bien sûr, de communiquer de manière cohérente sur chacun des médias investis.
Enfin, la gestion des droits d’auteur en France mérite d’être sérieusement revue concernant le transmédia. Peut-être devrions-nous nous inspirer du modèle des producteurs de jeux vidéo. Dans un jeu, les développeurs et graphistes sont aussi importants que le scénariste ou le level-designer. Devrions-nous nous inspirer du modèle anglo-saxon qui intègre très justement les notions de « pool d’auteurs » et dans lequel les acteurs de la création sont salariés, leur contribution n’étant pas régie par le droit d’auteur mais plutôt rémunérée sous forme de royalties ?
Cet article a été publié sur le blog du TransmédiaLab.